Pas un cochon
Je suis rentrée là-dedans comme un cochon dépendant de son fermier
rentre à l’abattoir.
Je voyais le plancher tâché de sang, je voyais mon fermier mettre un
tablier, tout aussi tâché de sang, préparer ses outils pour me zigouiller et
moi, cochon, je me disais que c’était surement pour autre chose, pour un autre
cochon que moi. Moi, j’étais le cochon spécial. Je me concentrais sur mon
fermier qui me disait « ça fera pas mal ».
J’acceptais de mourir sans que ça fasse mal, au lieu de vivre.
Et je mourrais à tous les jours, un peu plus. Et il me tuait à tous les
jours, sans aucun remords, jamais.
Il m’a menti. Mourir sous ses lames était péniblement souffrant.
Chaque entaille était faite lentement, pour que je sente bien la lame
séparé ma peau. Je regardais mon sang couler, en lui demandant pourquoi il
faisait ça, mais lui, il m'engueulait parce que je tachais son plancher.
Je devais vraiment être un cochon spécial, en fait, parce qu’il m’a tué
pendant douze mois. Je suppose que pour les cochons ordinaires, ça prend juste
une nuit. Je devais être spéciale, parce qu’après m’avoir tranché un bras, une
jambe ou la langue, il me lavait. Au moins pour pas que ça s’infecte. En me
lavant, le couteau encore sanglant, il me disait que son intention n’était pas
de me faire mal. Il me disait que je n’aurais pas dû avoir des couteaux aussi
coupant. (Non, ce n’est pas l’intention qui compte.)
Plus je mourrais, plus il voulait me tuer. Et chaque assassinat était de
ma faute.
J’avais oublié la sensation d’être touchée sans une lame. J’avais oublié
les vêtements propres. J’avais oublié le bonheur être un beau cochon, rose,
poilu, dodu, pataugeant dans la boue, intelligente, la queue en tire-bouchon,
pis toute. Tout ce que je voulais c’était être avec mon fermier. Et chaque fois
que je me trouvais près de lui, j'espérais qu’il me touche sans scalpel, sans
scie, sans lame. J'espérais que, ce soir, il allait me caresser avec ses mains
nues. Mais il me caressait toujours avec des couteaux. Et je revenais toujours
auprès de lui, en priant pour sa paume.
Je ne suis pas un cochon. Je suis humaine. Il est aussi humain (enfin,
je crois). Je ne suis pas quelque chose qui change de nom, une fois tué et mis
dans l’assiette. Je ne deviens pas soudainement un porc.
Je suis, de droits et de faits, son égale. (Entre vous et moi, je dirais
même qu’on n’est pas vraiment égaux, que je suis, comme on dit, une coche au
d’ssus.)
Je me demande encore aujourd’hui, comment j’ai pu me transformer en
viande, pour un fermier médiocre.
Il ne sait pas, qu’il est un fermier médiocre. Mais moi, je sais que je
n’ai pas été la seule cochon.
J’ai encore des plaies. Quelques-unes qui prennent du temps à guérir. Et
je garde plusieurs cicatrices. Je ne les cache pas, je les chéris. Je vois ces
cicatrices comme la marque de ma force, plutôt que celles de ses violences.
Cette guérison je la dois à moi seule.
Il est fermier.
Les fermiers ont besoin d’une télé réalité pour trouver l’amour. Just saying.

À toutes les survivantes, à tous les survivants: À bas le patriarcat! À bas la masculinité toxique!
Vous n'êtes pas seul.e.s. Parlez.
Vous n'êtes pas seul.e.s. Parlez.
Salut Marion!
RépondreEffacerJ'espère que tu vas bien. Je ne sais pas si tu as bien reçu mon dernier message, mais j'aimerais que tu m'envoies un email si tu en as l'occasion. J'aimerais qu'on échange un peu plus.
Frédéric